Situé entre le quartier de la création de l’île de Nantes et Les Machines de l’Île, le long du boulevard Léon Bureau, le projet du Pôle bois a été pensé comme une articulation urbaine atypique (jouant par sa forme avec les alignements et les perspectives).
La volumétrie de la construction permet d’organiser un RDC accueillant espace de conférence et d’expositions, et 3 niveaux de bureaux autour d’un large atrium permettant l’optimisation de la ventilation naturelle.
La visibilité particulière du bois voulue pour ce projet est concrétisée par une structure totalement visible : porteurs à l’extérieur de l’enveloppe, et poutres apparentes. Bâtiment BBC, la répartition des pleins et vides de la façade est optimisée grâce au placement de modules de 45 cm de type caisson bois isolant en fonction d’une simulation thermo-dynamique complète.
Ainsi déposé au coeur de l’ïle de Nantes, le Pôle Bois, bâtiment emblématique de l’utilisation du bois , s’intégre à l’histoire du site comme lieu de savoirs faire précis vers une urbanité de qualité.
Bois, silence et lumière
Structure et lumière
Une polémique agite en ce printemps 2013 le petit milieu des architectes : la destruction de la Halle du marché de Fontainebleau. C’est une nouvelle regrettable, mais allez comprendre, le béton brut n’aura jamais pris racine à Fontainebleau… Cette Halle était issue du travail conjoint d’un ingénieur, Nicolas Esquillan, le père de la voûte du CNIT à La Défense, et d’un architecte, Henri Bard. À l’issue d’une première consultation, le projet n’entrant pas dans le budget imparti, il est décidé de réduire de moitié le nombre de piliers et renoncer aux portiques pour leur préférer un voile mince de béton ajouré de pavés de verres. Moralité : le projet s’en trouve aéré et plus lumineux, l’économie de moyens et de matière étant proportionnelle à la qualité architecturale obtenue.
C’est un peu résumée un demi-siècle plus tard l’histoire du Bâtiment B que le duo d’architectes Barré-Lambot livre en ce printemps 2013 sur l’Île de Nantes à son maître d’ouvrage Atlanbois, porteur de ce projet depuis ses origines. On comprend bien comment cet édifice est lui aussi issu d’un dialogue vertueux avec son commanditaire et comment l’on sera là aussi passé pour le meilleur d’un projet trop cher à son allègement lumineux : excaver et soustraire pour construire. Le projet n’a jamais été « achevé » avant que le chantier ne le soit. La forme générale n’a pas bougé, sa mise en œuvre en revanche… Pour aller vite, c’est l’atrium qui s’en est trouvé tout transformé, passant du statut de bulle à celui de boîte. Quant à la structure, elle s’est considérablement allégée au fil du projet, laissant filtrer la lumière à la faveur d’une diminution drastique des portiques des étages supérieurs. D’une certaine manière, ce bâtiment aura mis à l’épreuve tous les acteurs de la filière, de la scierie à l’agence d’archi. Chacun s’y sera retrouvé à un moment ou un autre conduit à justifier ses choix sinon à les remettre en question.
Bois
Le bois, d’abord. Le commanditaire avait en effet posé ce préalable logique du matériau : le siège d’Atlanbois, interprofession régionale, doit permettre à chaque acteur de la filière de s’y reconnaître. Forestiers, scieurs, charpentiers, (60) architectes, ils sont environ 400 dans la région à avoir adhéré à l’association Atlanbois et leurs intérêts, on le comprend, ne sont pas toujours convergents. Ce bâtiment doit au moins leur offrir un socle commun conjuguant sur 1.560 m2 lieu d’expo et bureaux. L’enjeu ? Montrer que ce matériau ne se cantonne pas aux édifices industriels et domestiques et qu’il peut donc prendre toute sa place dans la construction des édifices publics.
Sélectionnés en 2009 face à deux autres finalistes de poids, Bruno Mader adepte de longue date de ce matériau avec lequel il a conçu l’école de la Prairie-au-duc voisine et le duo Brunet-Saunier qui venait de livrer un hôpital conjuguant, mais oui, structure et bardage bois à Nantes, les Barré-Lambot entretiennent ainsi patiemment une histoire suivie depuis quelques années déjà avec le bois. Dès 2002, ils flanquèrent le centre de secours de la Ferté-Bernard d’une impressionnante tour de séchage (des tuyaux des pompiers) en bois. Quatre ans plus tard, ils livrèrent avec Norkiouse sur les berges de la Loire face à l’île de Nantes sur la rive sud à Rezé, trois îlots de logements réussissant quelque chose d’aussi théâtral et d’aussi tranché qu’un changement de décor. Là où vient se briser l’harmonie de bois et de bardage de plaques de ciment. Là où surgissent les tranches noires, composées par l’artiste Alain Gunst, enseignant à l’école d’architecture au milieu des années 1980, qui viennent rappeler les chantiers de constructions navales qui les précédaient. Cette reprise du paysage des salines, transfiguré dans le cadre des budgets contraints d’une commande de logements sociaux pour la Nantaise d’habitation, était un pari osé. Et puis , c’est sans compter avec les maisons individuelles, à Saint-Sébastien-sur-Loire dès 2003 pour une belle alternance moderne bois / béton blanc toute finlandaise, la même année au Château d’Olonne pour l’extension tout-bois de la Maison L, et puis surtout cette mystérieuse Maison F éclairée par la mer toute proche mais protégée par sa carapace de lames verticales de mélèze dans les pins à Mesquer en 2007. Dès 2003, pour les équipements sportifs, ils choisirent aussi le bois pour revêtir la salle de sports de La Suze-sur-Sarthe, et ce jusqu’à ce somptueux gymnase épuré livré dix ans plus tard, en 2013, pour le Lycée Grand Air à La Baule dont la rythmique reprend en façade les principes implacables qu’avait adoptés un autre grand aîné, le tessinois Livio Vacchini à Losone en 1996. L’ornement se rapproche de l’ossature, il n’est plus appliqué mais impliqué, comme sur le Bâtiment B. Et là où le bois n’est souvent employé aujourd’hui qu’en simple vêture, il organise ici un tout cohérent.
La cathédrale du bois : d’abord la salle au centre avec la halle d’exposition et une véritable salle de conférences ornée d’un rideau de velours soyeux, puis les bureaux modulables et les services tout autour, desservis par des coursives sur les rives, et enfin le principe général d’excavation. La toiture végétalisée ménage une large promenade-belvédère en périphérie, et au cœur, la verrière est rythmée par des sheds, vitrés au nord pour la prise de lumière, et assurant la régulation thermique de l’ensemble sur l’autre versant. Tout autour, la façade s’enroule pour dessiner une goutte d’eau ou si l’on préfère une coque de bateau. Elle dessine un monde en soi, une forme introvertie donc une forme d’utopie. Mariant le Douglas et le chêne, elle s’assume par sa rythmique régulière, et même parfois autoritaire. Harmonieuse et progressive avec ses ventelles verticales, éludant par avance une alternance compromettante entre nord et sud, elle offre aussi l’avantage, d’un seul tenant, de résoudre l’hypothèque toujours inquiétante du vieillissement du matériau. Pour franchir harmonieusement le temps, c’est bien connu ou du moins devrait l’être, le bois préfère de loin la verticale à l’horizontale…
Quant à la structure, elle devait elle aussi privilégier l’emploi du bois et démontrer une forme de savoir-faire constructif. La revêtir de « placo » aurait paru bien incongru ! En revanche, c’est une nouvelle alliance entre le bois et le béton, leur conjugaison qui aura permis au Bâtiment B de passer dans les prix impartis. Le premier projet envisageait en effet une façade auto-portante qui nécessitait une multiplication des croix de Saint-André, onéreuse et source d’opacité. Il s’agissait dès lors d’imaginer un nouveau compromis où la façade viendrait s’appuyer sur le portique et le noyau de béton. Ce qui n’alla pas sans débats, entre l’ingénieur-bois et l’ingénieur-béton, chacun son matériau-pré carré, le béton se refusant notamment à participer au contreventement. Mais ce fut justement à l’architecte qu’il revînt de dessiner un terrain commun pour les faire travailler ensemble, les faire au sens propre collaborer. De là son autorité et donc le simple fait qu’il soit reconnu comme l’auteur, de ce Bâtiment B, meccano trompeur qui donne l’apparence du brut tout en étant extrêmement travaillé, dans ses détails et dans ses habillages.
Silence
La forêt de bois s’est donc éclaircie progressivement, mais pour autant le Bâtiment B ne s’efface pas dans le paysage de l’Île de Nantes déjà fort occupé symboliquement dans cette portion. Le Bâtiment B est au cœur de l’Île, mais il ne lutte pas non plus, il se pose, au diapason du parking des Machines où dorment les autos, et s’oriente sur la trame des rues qui le contournent et face aux Nefs ouvragées. Il offre un écho mesuré à leur vaste esplanade, clairière organiquement liée à la respiration de l’Île qui communique le sentiment soudain de l’espace ouvert sur les rives d’un territoire allongé au bord du fleuve. Sa mezzanine rappelle l’entresol des riches immeubles du quai de la Fosse que l’on devine au-delà du pont Anne-de-Bretagne. À l’arrière, il étire son entrée destinée au public vers l’abri des bus qui verra bientôt le C5 relier directement la Pointe de l’Île et le quai des Antilles à la gare sud. L’ensemble du plan s’étire ainsi pour libérer l’espace public – comme d’autres prestigieux aînés ont pu le faire, trouvant un parvis devant le Centre Pompidou à Paris ou dessinant une nouvelle place à Porto autour d’une Casa da Musica. À Nantes aussi, le Bâtiment B devient un îlot sans tangenter les limites de la parcelle. Façade avant / façade arrière ? Ce n’est pas la question, guère d’importance, ou plutôt aucune pertinence.
Comment créer le vide en posant un bâtiment ? Et comment construire autour d’un vide central au beau milieu d’une parcelle urbaine ? Enfin, comment parmi tous ces objets singuliers, Nefs, Parking, Fabrique, imaginer une colonne plutôt qu’une « botte soclée » ? La singularité n’a pas de définition spécifique. Avant de plancher pour cet oral à trois concurrents qui les désigna pour le projet, les Barré-Lambot employèrent leur été 2009 à un « pèlerinage » jusqu’au Vorarlberg en Autriche. Ils se recueillirent en chemin dans la chapelle imaginée par Peter Zumthor chez lui, dans les Grisons à Sumvitg, alors qu’il approchait la cinquantaine. On y entre par le côté, une grande porte percée dans un généreux volume cubique décalé, et la clarté y vient d’en haut. Bois, silence et lumière. La feuille se dessine sous les bardeaux. Saint-Benoît s’inscrit dans la pente comme le souvenir d’un lieu visité en été. À l’automne, de retour à Nantes, la forme était là, née d’un plan libre à l’allure elliptique : un anneau de portiques crée un cœur vide qui devient un espace complémentaire et ouvert à tous les acteurs s’occupant d’une filière-bois. Lyrique sans être exaltée, la goutte d’eau n’est pas un symbole bruyant.
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